À l’origine, Sainte-Adèle était une « mission », un vaste territoire au nord de la seigneurie des Mille-Îles et de la rivière à Simon. Monseigneur Bourget avait érigé en « mission » le canton d’Abercrombie en septembre 1846. Après la conquête, les townships, donc les cantons, avaient succédé aux seigneuries de l’ancien régime français. À la fin de 1852, l’arrivée du premier curé résident, Éphrem Thérien, donne à Sainte-Adèle son statut de paroisse. En pays de colonisation, c’est l’Église catholique, et non l’État, qui détermine l’organisation du territoire. Sainte-Adèle a donc été, à l’origine, plus qu’une simple paroisse. La mission rejoignait même le lac des Sables. Si le fondateur, Augustin-Norbert Morin, a donné le prénom de sa femme, Adèle Raymond, à cette « mission », plusieurs autres vocables sont apparus. Selon les gares, les bureaux de poste, les chapelles, etc., non sans créer une certaine confusion.
Une loi provinciale de 1855 crée un grand nombre de municipalités.
Les paroisses avaient eu d’abord un caractère religieux, à l’image du régime seigneurial. En 1855, la Province crée les municipalités à partir de ces structures, mais avec des élus responsables.
La Ville de Sainte-Adèle, dans sa forme actuelle, date du retour de Mont-Rolland en 1997. En 1918, rien de moins qu’un coup d’État a amputé Sainte-Adèle de près du quart de son territoire, pour donner naissance à un village de compagnie sous le nom de Mont-Rolland. 1922 verra deux autres changements importants : Val-Morin se détachant de Sainte-Adèle, et le Village de Sainte-Adèle étant créé, un mille carré, distinct de la Paroisse. En 1954, création de « Ville de Mont-Gabriel ». Neuf habitants. L’intérêt historique de cette aberration tient au fait que Mont-Gabriel sera annexée par Québec à Mont-Rolland en 1981, qui à son tour, et par choix, reviendra dans Sainte-Adèle en 1997.
Cette fusion ne fut pas une annexion.
Avec la fusion du Village et de la Paroisse de 1964, Sainte-Adèle a formé une seule ville.
Ludger, 1887-1973 Montréal ; Éditions L. Charpentier, [1928 ou 1929]
Un bâtisseur de Sainte-Adèle : le docteur Wilfrid Grignon
Né à Saint-Jérôme dans l’Hôtel du Peuple de son père Médard, Wilfrid a 14 ans quand arrive, le 15 mai 1868, le septième curé de Saint-Jérôme au presbytère juste en face de l’hôtel. Ce nouveau curé, un certain Antoine Labelle, a 35 ans, étant né à Sainte-Rose en 1833. Il a fait ses études classiques au séminaire de Sainte-Thérèse. Or le jeune Wilfrid est justement étudiant dans ce même collège. On devine l’amitié et la filiation de pensée qui animeront rapidement le jeune voisin qui deviendra un émule du curé dans son œuvre de colonisation. Toujours « voisin d’en face », Wilfrid deviendra médecin, comme deux de ses jeunes frères d’ailleurs. C’est Antoine Labelle qui rappela le jeune docteur Grignon de Bouctouche, où il avait entrepris la pratique de sa médecine, pour l’installer à Sainte-Adèle en 1878.
En 1904, la compagnie de téléphone Bell installa, dans la maison du docteur Grignon, le premier central téléphonique au nord de Saint-Jérôme. On comptait 11 abonnés, dont la gare, le curé Contant, la ferme expérimentale, la Rolland, le docteur Goyette, les hôteliers Aubert et Cardinal, les marchands Lacasse, Lajeunesse et Mayer. Les abonnés de Saint-Sauveur et de Piedmont seront reliés au central de Sainte-Adèle en 1905.
Les progrès que Sainte-Adèle a connus au début du siècle dernier comportent aussi l’aqueduc « privé » que le même Gros Docteur fit construire à ses frais et qui fournissait l’eau courante à une quinzaine « d’abonnés » en haut du village.
Sainte-Adèle connait la célébrité
Le plus jeune des neuf enfants du docteur Wilfrid et d’Eugénie Grignon s’appelait Eugène-Henri. Il est né le 8 juillet 1894 à Sainte-Adèle. Il prendra le nom de plume de Claude-Henri dans les années 1920. Son œuvre colossale d’écrivain a marqué notre littérature et continue d’habiter notre imaginaire collectif. En plus de « tuer le prénom de Séraphin » chez nous, il a « déménagé les pays d’en haut », qui étaient au nord de la Louisiane, pour en imposer le nom aux Cantons du Nord, devenus les Pays-d’en- Haut, nom propre composé.
Un village de compagnie se détache de Sainte-Adèle en 1918
Sainte-Adèle existait tout de même depuis un demi-siècle lorsque Jean Rolland y arriva, le 13 juillet 1902, pour y construire la nouvelle usine de la famille sur la rivière du Nord. L’usine de Saint-Jérôme avait ouvert ses portes en 1882. Le train, nous l’avons dit, était entré en gare à Sainte-Adèle en 1891.
Un maire un peu spécial… l’histoire s’accélère.
Jean Rolland est directeur de l’usine de Sainte-Adèle quand sort la première feuille de papier, le 31 juillet 1904. Il l’est toujours quand le docteur Grignon meurt, le 23 juin 1915. Jean Rolland devient alors maire de Sainte-Adèle en 1916. Dès 1918 Mont-Rolland est créé à même le territoire de Sainte- Adèle, dont le maire est bien Jean Rolland. L’évêché de Montréal bénit tout cela. Il trace d’autorité un immense rectangle qui ira même jusqu’au futur Sommet bleu. Tout y passe : la gare principale, la rivière du Nord en son parcours le plus rentable, la rivière Doncaster, de nombreux lacs, le tout assorti d’un droit de regard absolu sur ce qui se passera sur ce territoire tant que la Rolland y sera. La compagnie est de plus propriétaire du fond des rivières, avec un droit de puisage d’eau allant jusqu’au lac Masson y inclus, à Sainte-Marguerite. L’exemption de taxes consentie par Sainte-Adèle est bien sûr reconduite par le nouveau village de compagnie.
Une longue quête de libération des colons
L’évolution du réseau routier a marqué Sainte-Adèle. Il fut un temps où le tourisme se trouvait à Sainte- Marguerite-du-Lac-Masson parce que c’est là que passait la route principale vers le Nord. La Route 11, 1933, portée à quatre voies pour devenir la 117, a canalisé une part très importante du tourisme. L’autoroute des Laurentides, 1963, a eu un effet multiplicateur et pervers à la fois : elle a scindé le territoire de Sainte-Adèle, transformant ainsi la réalité sociale et les traditions de vie des habitants. L’autoroute coupait de nombreuses terres agricoles de la Paroisse, brisant ainsi une vie rurale et un paysage champêtre centenaires. La villégiature remplaçait l’agriculture, les grands espaces bucoliques cédaient la place à la forêt sauvage. La séparation administrative du Village et de la Paroisse de 1922 n’avait plus sa raison d’être. La fusion des deux Sainte-Adèle trouve là son explication. Les Pays-d’en- Haut redevenaient une forêt habitée.1
C’est dans ce contexte historique que s’est développé Sainte-Adèle : plusieurs pôles articulés autour d’une histoire commune. Un village de compagnie construit autour d’une usine et d’une gare. Un centre-ville développé autour des services et de l’hôtellerie. Des pôles de villégiatures évoluant au rythme des axes de transport, et des sites de villégiatures qui ont été occupés au fil de décennies. Le golf, le ski, les hôtels et les restaurants sont ainsi devenus les signatures de Sainte-Adèle, en faisant la destination la plus prisée des Laurentides. Devenue synonyme de loirs, Sainte-Adèle a vu les investissements se multiplier : cinéma, glissades d’eau, bungee, deux parcs thématiques, un cinéparc, un centre équestre. Cette économie est devenue le moteur de Sainte-Adèle, attirant une riche clientèle de villégiature et faisant vivre l’économie locale.
Cette histoire se transforme au tournant des années 1990, décennie qui a vu se développer d’autres pôles de villégiatures importants dans la région des Laurentides, notamment Tremblant et les factoreries à
Les années 2000 ont amené une vague de tourisme international avec la station Mont-Tremblant en plus de voir plusieurs changements dans les habitudes des visiteurs. De plus, par l’ajout de services, Sainte- Adèle a renforcé son rôle de capitale régionale.
À partir de 2008, un ralentissement économique a eu pour effet d’achever la transition récréotouristique des Laurentides, en concentrant et renforçant les activités vers les pôles récents, au détriment des pôles historiques comme Sainte-Adèle. C’est ainsi que plusieurs grands hôtels perdirent de leur prestige et que certains, comme l’auberge l’Eau-à-la-Bouche, qui faisait la renommée de Sainte-Adèle, durent fermer leurs portes. Les années 2010 ont également amené une transition de l’économie en raison de la prédominance de l’internet. L’avènement des sites de partages de résidences a entrainé un délaissement de l’hôtellerie traditionnelle, ce qui a accéléré le phénomène de désuétude des établissements existants. À ceci s’ajoute une perte de vitesse relative pour les sports de plein air tels que le golf et le ski, historiquement des signatures de Sainte-Adèle.
Depuis plusieurs années déjà, la Ville de Sainte-Adèle travaille activement à la protection des sentiers récréatifs et des espaces verts dans le but de préserver ce patrimoine collectif de villégiature, notamment pour la pratique du ski de fond et de la raquette, qui demeurent des sports très prisés.
Sainte-Adèle fut construite dès ses débuts sur un modèle de résidences individuelles. Les habitations, commerces et bâtiments mixtes sont venus s’ajouter aux centres et à proximité des grands équipements au rythme de la volonté des propriétaires et des promoteurs. L’habitation unifamiliale a dominé le paysage, des années 50 à aujourd’hui, et ce, dans tous les secteurs. Dans Mont-Rolland et au centre de Sainte- Adèle, une certaine diversité résidentielle s’est développée, duplex et mixité commerciale résidentielle se sont ajoutés, tout comme plusieurs ensembles multifamiliaux.
Alors que s’organisait une certaine densité résidentielle dans les centres, le tissu s’étendait en périphérie, poussée par le prolongement des réseaux d’aqueduc pour aujourd’hui rejoindre plusieurs secteurs excentrés, telle que le lac Millette, le chemin du Paysan, le chemin du Mont-Sauvage, le sud de Mont-
Rolland, le domaine du Lac-Dauville et plusieurs autres. Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson